Épilogue, retour à la statistique

A l’automne 2015, j’ai réintégré mon administration d’origine, l’Insee, pour participer, auprès de mon collègue Pierre Audibert, au pilotage de l’opération stratégique « Insee Horizon 2025 » mené par l’institut pour déterminer au mieux ses orientations stratégiques sur un horizon décennal et en tirer un plan d’actions opérationnel. Une brochure, rédigée avec Pierre Audibert et Cécile Strouk, à la plume déliée, présente en termes synthétiques cette démarche stratégique. J’ai proposé un résumé plus personnel de cet effort collectif dans un article (« L’Insee à horizon 2025 : vers les nouvelles figures de la statistique publique ») publié en janvier 2018 sur le webzine « Variances » des alumni de l’Ensae.

J’ai mis à profit ce comeback pour réfléchir aux questions posées par l’usage intense des chiffres dans la vie sociale et politique. Alain Supiot, juriste émérite de l’emploi et du travail et professeur au collège de France, dont j’avais déjà assidûment fréquenté les travaux, venait de commettre un ouvrage massif et important sur ce thème (La gouvernance par les nombres, Fayard, 2015). J’en ai produit une recension attentive et critique sur le site La vie des idées (« Vers la fin de l’histoire de la statistique ? », 21 mars 2016). J’en ai développé les analyses dans une communication présentée lors du colloque historique et scientifique organisé par l’Insee, le 29 juin 2016, à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire (« La ‘gouvernance par les nombres’ est-elle la fin de l’histoire de la statistique ? »). J’ai publié une version révisée et développée de cette communication dans la revue Droit et Société (n° 98, 2018/1) sous le titre « À propos de la gouvernance par les nombres, pour une articulation de la raison juridique et de la raison statistique » (un document pdf est directement  téléchargeable). Pour Alain Supiot, l’emprise de cette gouvernance par les nombres sur les sociétés contemporaines sape leurs fondements démocratiques. Ma propre analyse n’entérine pas l’ensemble des thèses défendues par Alain Supiot mais les prennent au sérieux : si on accepte l’idée d’abus de la gouvernance par les nombres, une réflexivité ouverte de la pratique statistique offre des ressources pour parer à ces abus, en entendant par réflexivité ouverte une conscience aiguë des conditions techniques et sociales de production des chiffres et une ouverture à la délibération sur ces conditions avec d’autres acteurs que les statisticiens.