Cabalgada cubana

En 2014, je retrouve La Havane, longtemps après un premier séjour. Puis, quittant la capitale, j’ai parcouru à cheval la campagne de l’ouest cubain, du côté de Viñales et des curieuses Mogotes calcaires. L’usage du cheval y est répandu, d’abord pour le travail et, aussi, pour des courses improvisées… Bien que l’Etat cubain dispose de haras de bonne tenue, la performance équestre n’est pas de mise. Sur l’île, monter est surtout un excellent moyen de battre tranquillement la campagne et de nouer contact avec les cubains du cru.

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Voilà un roman sacrément culotté, une reprise décalée et ironique, une version féministe et semi-fantastique du monument littéraire et centenaire qu'est « La montagne magique » de Thomas Mann, chronique de la perdition maladive et amoureuse au temps de la phtisie endémique. Olga Tokarczuk a la stature pour se mesurer au monument. D'autant qu'elle bénéficie du sceau de l'authenticité : la scène, aussi à la veille fébrile de la première guerre mondiale, n'est plus Davos mais Görbersdorf / Sokolowsko, village de Basse-Silésie, dans la chaine montagneuse des Sudètes, aujourd’hui en Pologne, là où le Dr Hermann Brehmer fonda en effet dans les années 1850 le premier sanatorium dédié aux patients tuberculeux. Miecsyslaw, jeune homme polonais venu de Lvov, doux et secret, qui a de bonnes raisons pour l’être, mais pas si ingénu qu’il en a l’air, vient en cure dans le sanatorium et loge dans une médiocre pension pour messieurs. Il se trouve plongé dans une ambiance toxique de masculinité frustrée et jacassante, saturée par les conversations souvent oiseuses, faussement savantes, excitées par les effets délétères d’une liqueur locale curieusement nommée Schwärmerei (comme la périlleuse "raison négative" de Kant !), que mènent les personnages disparates réunis là par le sort commun qui altère leurs poumons. Olga Tokarczuk disperse habilement dans leurs propos les paraphrases de propos misogynes réellement tenus par une vaste collection d’auteurs de référence au cours des siècles écoulés jusqu’à aujourd’hui (indiquée en vrac et en annexe, cette liste incite chaque lecteur à se livrer au jeu de piste de la juste réattribution de ces propos !). Mais, dans ce village empreint de superstitions montagnardes, rôdent les âmes errantes des sorcières et des femmes martyrisées au cours des siècles, empouses protéiformes et furtives qui viennent régulièrement réclamer leur dû de meurtres rituels. Décidément, cette montagne est plus magique, ou maléfique, que la première. Sa vulnérabilité en sauvera Miecsyslaw.

Le Musée national de la Marine de Paris a réouvert a l'automne 2023, après sept ans de fermeture, avec une muséographie profondément remaniée et modernisée, vivante et dynamique. Mais il conserve précieusement de belles pièces historiques, comme ces portraits des ports français, commandités par la Royauté puis par la Révolution. Ainsi, ces deux visions de Brest à la fin du 18e siècle, depuis l'intérieur de l'estuaire de la Penfeld et depuis Recouvrance. On reconnait le port et la ville sans pouvoir jamais les voir ainsi.

Le Musée du Nouveau Monde, à la Rochelle, est installé dans l'ancien hôtel Fleuriau, du nom d'une famille locale qui l'acquit grâce à l'enrichissement issu de ses plantations de canne à sucre à Saint-Domingue. Il présente nombre de pièces intéressantes témoignant de l'exploration, de la conquête et de l'exploitation des Amériques, ainsi que de la traite atlantique, dans laquelle les armateurs rochelais prirent leur part. Il rend aujourd'hui hommage, dès son entrée et grâce à l'expressive dextérité d'Ousmane Sow, à Toussaint-Louverture, artisan de l'indépendance d'Haïti. Lorsque j'étais enfant, je suis allé plusieurs fois en colonie de vacances près de Pontarlier, dans le Jura. La visite de l'imposant et haut-perché fort de Joux était de rigueur, avec, comme clou de la visite, celle de l'affreuse cellule glacée où Bonaparte laissa mourir Toussaint-Louverture.

Claudine, habile couturière qui ravit ses clientes, mène une vie de sacerdoce en fond de vallée auprès de son grand fils handicapé, dont elle s'occupe avec un amour tendre et attentionné. Une fin d’après-midi par semaine, elle s’évade en haut de la montagne pour des rencontres furtives mais franches avec des hommes de passage dans un hôtel lové près d’un barrage d’altitude. Elle les fait parler de leur vie, là où ils habitent, et tire de ces récits des lettres inventées du père disparu de son fils, qu’elle lit à ce dernier. Un jour, elle tombe sur un homme pas comme les autres, intrigué par le mystère de cette femme. C’est un ingénieur hydraulique allant de mission en mission, qui lui fait découvrir les impressionnants arcanes du barrage. La montagne, d’une rudesse fascinante, devient le décor magique d’une rencontre passionnée. Mais le retour à la vallée est aussi le retour à la réalité quotidienne. Et Claudine éprouve une soif angoissée de liberté dans le labyrinthe de sa vie. Jeanne Balibar prête à cette femme le charme énigmatique qui est le sien. Le film porte un regard à la fois humaniste et réaliste sur le handicap – l’acteur Pierre-Antoine Dubey habite, avec une étonnante crédibilité, le corps et l’esprit du fils handicapé. Le réalisateur Maxime Rappaz offre, avec son premier long-métrage "Laissez-moi", un conte troublant autant qu'émouvant.

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