L’hiver 2018 s’avança humide et gris, bien avant que les frimas ne blanchissent l’atmosphère.

A cheval sur les hauteurs du Morvan, entre pluie et neige, je côtoie les solitudes hivernales du voyageur de Schubert et, piètre chanteur, j’en fredonne silencieusement les mélodies.

Au creux de son vallon, la rivière vive du Ternin prend ses aises et s’épand dans les prairies que le gel n’a pas jaunies. Elle va gonfler l’Arroux qui, nourri par le château d’eau morvandiau, déroule ses sinuosités vers le sud-ouest pour venir en renfort de la Loire, bridée par les barrages du Forez.

Tout empli de cet hiver noyé, l’Arroux traverse, menaçant et alourdi, le village, bien nommé ce jour-là, d’Etang-sur-Arroux.  Du Morvan, je vais caboter dans les petits pays assoupis du centre doucement vallonné de la France, entre Charolais, Brionnais et Nivernais. 

Au Bec d’Allier, un peu en aval de Nevers, la Loire, brunie par les alluvions charriés, conflue avec son égal, l’Allier, aux eaux plus limpides. La rivière devenue fleuve roule lourdement ses flots entre les berges incertaines et boueuses, comme une force puissante autant qu’insensible

La vieille ville de Nevers semble avoir si peu changé depuis qu’Alain Resnais y vint filmer une libération amère. Le pavé luit, sous la pluie fine et continue qui s’approprie la nuit, tandis qu’en contrebas la Loire rugit entre les piles du pont qui l’entravent.

Je délaisse ces basses terres percluses d’humidité et je franchis la Saône, qui se donne des airs d’Amazone, pour rejoindre les vallées et les hauteurs alpestres.

Vint alors l’épiphanie hivernale, comme une grande déchirure blanche et bleue qui écarte le voile grisâtre de l’hiver morose.  Sous la dentelle des Aravis, le brouillard et le gel franc de la nuit ont orné les branches dépouillées d’une parure givrée, qui distille la lumière sous l’ombre des sommets.

Le col des Aravis, si nettement échancré, laisse promettre le Mont Blanc, encore ennuagé. 

Un traîneau glisse au pas lent du robuste cheval dévoué à son fardeau.