En 2014, j’avais publié une revue de l’ouvrage juste paru de Colette Bec, sociologue au CNRS, sur l’histoire de la protection sociale française, « La Sécurité sociale, une institution de la démocratie » (Gallimard, 2014). L’ouvrage explore avec une belle profondeur historique la trajectoire et le sens de la protection sociale moderne, dans le cas français. Il offre un bienvenu et grand angle de vue pour réfléchir aux réformes contemporaines de la Sécurité sociale. Il montre l’alternance entre des phases créatives, lorsque les principes en sont inventés ou redéfinis, et des phases gestionnaires, lorsque les priorités de la gestion prennent le dessus sur l’ambition systémique. Les dernières années manifestent une accélération saisissante de cette alternance, entre la réforme systémique, mais avortée, des retraites en 2019 et le ralliement gouvernemental récent à une nouvelle réforme paramétrique qui se heurte au mouvement social en cours. Parcourant l’ouvrage de Colette Bec, je trouve qu’il n’a rien perdu de son intérêt, en dépit de la décennie écoulée, et je republie ici cette brève revue, aujourd’hui peu accessible. Le lecteur appréciera de lui-même les changements à prendre en compte. La version pdf du texte est téléchargeable ici.
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Le syndicalisme est partie prenante des controverses et troubles d’ordre sociétal qui agitent aujourd’hui la France. Deux livres donnent récemment résonance à ces controverses : les souvenirs d’un syndicaliste de référence, le patron de Force Ouvrière de 2004 à 2018, Jean-Claude Mailly (Manifs et chuchotements, Flammarion, 2021) ; le plaidoyer d’un praticien du monde social et de la formation professionnelle, Paul Santelmann (Plaidoyer pour une refondation du syndicalisme, L’autreface[1],2021).
Jean-Claude Mailly et Paul Santelmann partagent clairement des points communs : ils affirment tous deux le caractère irremplaçable du syndicalisme et le besoin d’un syndicalisme explicitement réformiste. Leurs positionnements sont différents : quand l’ancien dirigeant revient avec franchise sur sa trajectoire personnelle au sein du monde syndical, l’expert adopte un point de vue plus externe, pleinement impliqué mais nécessairement plus détaché des aléas de la vie syndicale.
Lire la suite « Syndicalisme: mise au point et contrepoint »Social Polar dans les Vosges
Avant que son auteur se voit décerner le Goncourt 2018, un roman antérieur de Nicolas Mathieu, Aux animaux la guerre (Actes Sud), avait reçu en 2014 le prix Erckmann-Chatrian (le Goncourt lorrain). Si le titre vous intrigue, pensez à La Fontaine. Je reprends ici la critique de ce roman que j’ai initialement publiée en 2014 sur le blog Défricheurs du Social du Groupe Alpha. Lire la suite « Social Polar dans les Vosges »
Social Thriller(s) : à propos du film de Stéphane Brizé, « En guerre »
Le film de Stéphane Brizé, son titre, sa matière et ses personnages, ne sont pas sans évoquer un précédent littéraire récent, le roman de Nicolas Mathieu, Aux animaux la guerre[1]. Lire la suite « Social Thriller(s) : à propos du film de Stéphane Brizé, « En guerre » »
Les enfants rebelles du paritarisme
La réforme de la formation professionnelle, annoncée ce lundi 5 mars 2018 par la Ministre du Travail Muriel Pénicaud, est présentée comme une « réforme systémique » allant au-delà de l’accord national interprofessionnel du 22 février sans pour autant le renier. Savoir si, par la méthode comme par le contenu, elle sonne le glas du paritarisme gestionnaire prendra un peu de temps[1]. Mais il est utile de revenir sur quelques aspects de la généalogie de cette réforme pour apprécier l’ambition et la résolution des artisans du big-bang. Lire la suite « Les enfants rebelles du paritarisme »
Le syndicaliste, l’élu et l’expert
A.R. Penck, Grand Tableau-monde, 1965
J’ai publié ce texte en avril 2016 sur le réseau LinkedIn, au moment des controverses sur la loi El Khomri réformant le marché du travail. Je le reprends ici car les ordonnances adoptées dès le début du quinquennat d’Emmanuel Macron (voir l’analyse de Jacques Freyssinet sur La genèse des ordonnances portant réforme du Code du travail) aiguisent encore plus un enjeu qui traverse, depuis trois à quatre décennies, le paysage social français : la décentralisation de la négociation collective vers l’entreprise et la portée prédominante que prend la négociation d’entreprise interpellent la capacité de l’acteur syndical à s’emparer à bras le corps de cette négociation et à peser sur ses résultats. Or il n’y a rien de moins évident que l’empowerment (ce terme né aux Etats-Unis qui désigne le gain de capacités, d’autonomie, de pouvoir) du syndicalisme local, ancré dans l’entreprise. Lire la suite « Le syndicaliste, l’élu et l’expert »